Guillermo Castaño et l’Histoire des peuples d’Amérique

Article : Guillermo Castaño et l’Histoire des peuples d’Amérique
Crédit: Maria Ramirez
14 octobre 2024

Guillermo Castaño et l’Histoire des peuples d’Amérique

Nous sommes dans le département de Risaralda en Colombie, courant le mois de mars 2023. Je vous partage ma rencontre avec Guillermo Castaño Arcila, une personne qui m’a impressionné par son engagement envers la mémoire et les droits des peuples d’Amérique.

Il a une âme sylvestre, il habite dans une ferme quand il n’est pas à l’université, au syndicat ouvrier ou dans une communauté rurale. Guillermo est comme un livre vivant et pour saisir toutes ces histoires il faut l’écouter plusieurs fois pour rassembler les pièces du puzzle. Lors de cette première rencontre il me partage des fragments d’histoire sur les peuples précolombiens.

Crédit : Guillermo Castaño Arcila, avec son accord

Ce n’est pas l’académie, ni l’université, ni les sciences qui nous enseignent. Ceux qui nous enseignent ce sont les haricots, les maïs, les pommes de terres, les arbres, les arbustes, les lianes, et les humains qui ont maintenu une relation permanente avec ces êtres. Ce sont les peuples originaires, les peuples afro-descendants et les peuples paysans, ce sont eux qui nous enseignent.

Guillermo Castaño Arcila

Quand je rencontre le maestro Guillermo à Pereira il se présente comme fils de familles ouvrières et paysannes. Il a 80 ans, un visage de chouette entouré par une dense chevelure et une grande barbe blanche. Il est jovial et se porte volontaire pour partager toutes les histoires et connaissances qu’il a collectées au fil de sa vie. De profession il est paysan, enseignant chercheur en histoire des peuples du continent américain et ingénieur en agroécologie.

Nous sommes réunis à l’école ouvrière paysanne d’agroécologie dans le département de Risaralda. 

Je vous partage cette rencontre car Guillermo évoque, depuis son expérience, un regard critique sur le monde actuel qui associe l’agriculture, l’histoire et les peuples originaires. Il ne courbe pas l’échine face au changement climatique, il apporte de l’espoir et de l’irrévérence nécessaire. Je vous partage quelques extraits de notre échange.

Ce qui réunis les peuples des Andes

Les communautés andines sont au bord du Pacifique, à côté de l’Amazonie, alors se sont trois grands chemins de ces trois cultures. Nous sommes donc tentés de dire que nous sommes cela. Nous sommes un creuset de peuples des Andes, de l’Amazonie et de Mésoamérique.

Guillermo Castaño Arcila

Pendant qu’il me parle, il fait défiler une diapositive et me montre cette carte de la période d’expansion. Celle-ci correspond à l’apogée des grandes civilisations américaines qui commence au IX siècle AP. JC et s’étend jusqu’à l’arrivée des occidentaux en 1492. Durant cette période se forment trois grands empires : les Incas, les Aztèques et les Mayas.

Il me parle aussi des routes migratoires terrestres et maritimes précolombiennes.

Des terres mexicaines au sud du continent et voir au-delà des terres, se dessinent différents flux de commerce, d’échange, de migration durant la période précolombienne.

Guillermo me dit: “Alors si nous avons une histoire en commun, pourquoi devons nous séparer la Bolivie, de l’Equateur, du Mexique ? Nous sommes un seul peuple, c’est cela qui nous réunis. Nous nous rendons compte de quantité de choses en commun.”

Et en effet nous retrouvons différents éléments comme les plantes. Le maestro me montre la Coriaria Timiforia qui était utilisée comme pigment pour estamper les tissages dans différentes cultures d’Amérique Centrale et du Sud. Des tampons en pierre sculptés avec des motifs étaient utilisés pour cela.

D’après Guillermo, des symboles se retrouvent dans l’ensemble du continent, comme celui de la spirale. La plus ancienne est celle de la culture Caral dans l’actuel Pérou, qui a environ 5500 ans. La spirale représente le mouvement, la croissance et le développement. Dans la cosmologie andine, la spirale indique la notion de cycle qui est le retour au même départ et qui est aussi la croissance par unités ou étapes de développement

Une autre diapositive montre le dieu Wiracocha, dieu à la source de vie, du savoir et de la création du monde, qui est vénéré par les peuples de la Bolivie jusqu’à l’Équateur. Il est représenté sous différentes formes mais symbolise les mêmes éléments: la fertilité, la générosité.

Puis les diapositives se suivent, montrent d’autres éléments en résonance. Comme les formes de sépulture, d’autres déités.


Guillermo s’arrête sur celle de l’empire Inca. Il a duré environ un siècle et demi, entre le 14e et le 16e siècle. Il se dénommait le Tahuantinsuyo et s’étendait par un circuit de voies terrestres du nord de l’Argentine au nord de l’Équateur sur presque toute la cordillère des Andes. Les Incas serait même arrivée en Polynésie par les expéditions de Tupac Yupanqui.

La capitale de l’empire Inca était la ville de Cuzco. Il y avait un unique empereur pour tous et la société était classée par hiérarchie. Leur religion était polythéiste, et Wiracocha était l’un de leurs principaux dieux. Leur façon de conquérir les peuples qu’ils rencontraient était différente de celle des européens. Ils avaient une armée, et leur stratégie était de s’approprier les codes et les savoirs des cultures locales. Après soumission des gouverneurs, les Incas intégraient à leur domaine les connaissances développées par ces cultures. La langue officielle était le quechua.

Guillermo me dit qu’il existait un centre de formation Inca où devait aller les futurs dirigeants, enfants des chefs vaincus et fils des élites. Durant quatre années, ces jeunes suivaient une formation intense. La première année ils apprenaient la langue officielle, le quechua. La seconde année était consacrée à l’étude de la théologie et des rituels. La troisième années, les jeunes apprenaient l’utilisation du quipu, un instrument mnémonique composé de cordes avec des nœuds servant à compter. La quatrième année servait à approfondir les connaissances : mythologie, histoire, quipu, etc.

Un quipu exposé au musée du Machu Picchu, à Cuzco. Crédit : Wikipédia Commons

Ce qui diffère entre les peuples d’Amérique et d’Occident

La stratégie d’expansion de l’empire par l’inclusion était aussi représentée par les sceptres de pouvoir en spirale.

Quand la salutation maya se donne, c’est la preuve de ce fait. On me prend la main et se crée une spirale. Ils me disent “je suis vous”. Moi je dois répondre “ et moi je suis vous” et alors “nous sommes nous”.

Guillermo Castaño Arcila
Crédit : Nayra Prieto

Le grand crime qu’a commis l’Occident a été de nous enlever l’autre. Notre façon de penser est inclusive : on a besoin de l’autre, l’autre c’est moi ! C’est une façon de penser contraire à celle de l’Occident, n’est-ce pas ? Celle qui se construit depuis l’exclusion. Ce sont deux cultures très différentes. La première nous inclut, nous rapproche, nous invite à être avec l’autre. En revanche, la seconde crée de la compétitivité, on doit dépasser l’autre.  

C’est un peu le défi qu’on a maintenant, comment nous retrouver et non pas comment nous exclure. Cependant il existe une élite qui est dans le contraire, ils en finissent avec la société, ils en finissent avec la nature. Et puisqu’il n’ont pas de concepts pour sauvegarder l’autre humain égal à eux, et bien ils ont beaucoup moins de concepts pour sauvegarder l’autre être végétal ou l’autre être animal, encore moins. La culture qui prédomine de nos jours est celle de la ségrégation.

Rien ne leur importe, rien. Quand bien même se soit une sorte de suicide que la temperature de la planète augmente, que les cueillettes disparessent. Et sans scrupule ils disent que la planète terre ne peut avoir plus de 2500 millions d’habitants et nous sommes 8000 millions. Alors qu’est qu’ils nous disent ? Combien de millions d’habitants il faut éliminer pour conserver ces 2500 millions ? Préparez vous pour ce sacrifice pour qu’ils puissent vivre bien. C’est ça l’esprit de la société qu’on a actuellement.

Alors, le chemin ne semble pas être par là.

La rencontre avec l’autre, c’est la rencontre avec la vie. Et c’est de cela que va être fait le monde du futur qui ne va pas être fait par eux mais par les peuples, les peuples qui savent ce qu’est la vie. Jusqu’à maintenant nous avons eu une civilisation qui se rapproche plus de la négation, de l’exclusion, de la mort dorénavant ce qui nous correspond est de construire cette civilisation de la vie.”

Son territoire et contexte de vie

Taita Palechor, Guillermo Castaño Arcila et Javier Calambas

Guillermo habite dans la région du Eje Cafetero. Dans une de ses multiples activités, il accompagne un processus de récupération de la mémoire du peuple Kumba-Quimbaya. C’est d’ailleurs ce qui m’a amené à le rencontrer car depuis des années on dit des Quimbayas qu’ils avaient existés entre 500 avant JC et 1600 après JC mais qu’il n’existait plus d’héritiers. Cependant Guillermo et d’autres habitants du territoire ont repéré une communauté dans le département de Caldas. Avec les autorités indigènes de cette communauté, ils reconstruisent les pièces manquantes pour consolider leur patrimoine culturel vivant.

Guillermo me raconte que les Quimbayas sont un mélange de peuples et qu’ils étaient autrefois nomades. Lorsqu’il se sédentarise, ils développent des techniques d’irrigation agricole en spirale, des techniques de fabrication avec l’argile et les métaux. Ils sont mondialement connus car les pièces en or qu’ils fabriquaient étaient d’une précision et composition admirables. Guillermo me montre une diapositive avec certaines pièces en or et m’explique qu’ils utilisaient un mélange dénommé “tumbaga”, un alliage de cuivre et d’or qu’ils fondent puis versent dans des moules en cire d’abeille.

Quimbaya-1, dessin au crayon, encre, aquarelle. Crédit : Nayra Prieto

Ce dessin représente deux animaux des mythologies quimbayas. Le grand colibri géant et la chauve-souris qui accompagnent les âmes aux mondes au-delà des humains.

“Le monde est des peuples ou il n’y a pas de monde ! Car nous sommes déjà arrivés à un terme critique. C’est pour cela que nous impulsons de faire l’agroécologie qui a les outils nécessaires pour construire le monde des peuples qui est le monde futur. Car je ne pense pas qu’on va permettre que tout se termine? L’humanité ne va pas permettre cela n’est pas?

Guillermo est agriculteur et enseigne dans différentes communautés les techniques de l’agroécologie. Il m’indique que les sociétés des peuples précolombiens étaient acrocentriques. Leur calendrier, leur système social et la structuration des activités tournaient autour de l’agriculture. Guillermo me raconte beaucoup de choses sur l’histoire des peuples, leur mémoire. Et en a tout autant sur des sujets tels que le climat, l’agriculture. Mais nous voila arrivés au terme de cette première rencontre. 

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